1985 - Un officier de paix, un gardien de la paix et un convoyeur de fonds sont tués au cours d'une attaque de fourgon blindé dans le 18ème arrondissement de Paris
Jeudi 30 Mai 1985. Un convoi de fonds de la Société Parisienne de Surveillance circule Rue Riquet dans le 18ème arrondissement de Paris
avec à son bord 90 millions de francs. Vers onze heures, il est sur le point d'emprunter
le pont de chemins de fer lorsqu'une camionnette Renault T800 montée par
deux truands leur barre la route.
A l'arrière, trois
autres malfaiteurs lourdement armés, porteurs de cagoules et gantés,
sortent d'une Peugeot 305. Ils ordonnent aux agents de descendre et les y
encouragent à coups de gaz lacrymogène. Le convoyeur-chef, René Causson,
quarante-et-un ans, esquisse un geste de défense : il est abattu de sang
froid. Les truands affichent leur détermination en écartant les curieux
de la scène par des tirs à l'arme de guerre.
L'alerte
est donnée. Un car de police-secours monté par un brigadier et quatre
gardiens de la paix atteint l'intersection des rues Riquet et Philippe
de Girard sans pouvoir aller plus loin. L'ensemble des effectifs en
tenue progressent à pieds jusqu'à la rue du Canada où ils subissent des
tirs d'armes automatiques. Une scène de guerre.
Dans le même temps, un véhicule de police monté par un officier de paix et trois gardiens de la paix empruntent
la rue Pajol en direction de la Rue Riquet, mais ils se retrouvent à
leur tour bloqués dans le bouchon qui s'est formé. Le bruit des tirs
d'armes automatiques au loin les incitent à intervenir. Ils empruntent
les trottoirs à pieds.
Alors qu'ils atteignent
l'intersection, ils ont à vue les braqueurs, et se dispersent autour de
véhicules en stationnement dans la Rue Riquet. L'Officier de paix François Klein
donne une première sommation. Une fusillade d'une extrême violence
éclate ; les braqueurs n'entendent pas se laisser prendre ou fuir sans
le butin, ils progressent même vers les policiers depuis le trottoir
opposé !
La présence de nombreux riverains, notamment
de consommateurs présents dans un café à l'angle complique les tirs de
ripostes. Les policiers sont contraints de se replier plus bas dans la
Rue Pajol.
Positionné en embuscade sous un porche, un malfaiteur déclenche
une rafale qui blesse très grièvement l'Officier de paix François Klein et atteint mortellement à la tête le gardien de la paix Philippe Fivet.
Le tireur se porte jusqu'à l'officier blessé et l'exécute froidement.
Les deux autres gardiens de la paix n'ont aucun échappatoire et
continuent de subir des tirs.
Avec l'appui de la 2ème
Brigade mobile d'arrondissements, les premiers intervenants progressent
tant bien que mal et repoussent les malfrats, en tirant, vers la Rue
Buzelin. Un brigadier doté d'un pistolet mitrailleur riposte et blesse l'un des malfrats à
la jambe, mais l'équipe parvient tout de même à prendre la fuite en
voiture ; laquelle est perdue de vue à hauteur de la Place Hébert, avec
près de 7,5 millions de francs dans le coffre.
L'officier de paix François Klein meurt aux urgences de l'hôpital Bichat à 22h30. Ses collègues étaient venus en nombre à son chevet pour donner leur sang.
Mardi 4 Juin 1985.
Les obsèques officielles des deux policiers tués ont lieu dans la cour
d'honneur de la préfecture de police à Paris.
La
mort de trois hommes, l'importance du butin, font du braquage de la
rue Riquet l'un des plus gros "coups" depuis le hold-up commis par
Action directe à Condé-sur-l'Escaut (Nord), au mois d'août 1979 (16
millions de francs).
Depuis le début le début des années 1980, les
braquages de convois de fonds augmentent de façon alarmantes :
vingt-deux attaques et tentatives d'attaques de fourgons en 1983,
vingt-neuf en 1984 et déjà dix-sept pour les six premiers mois de 1985. |
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Originaire du Nord,
l'officier de paix François-René Klein avait vingt-sept ans. Il
venait d'achever, avec la 36ème promotion, sa formation à l’École
supérieure des officier de paix.
Cité à l'ordre de la nation, il est
nommé Officier de paix principal à titre posthume. Il repose désormais
au cimetière de Langon (Gironde). |
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Originaire également du Nord, le gardien de la paix Philippe Fivet,
vingt-sept ans, était marié à Béatrice et heureux père de deux
enfants : Grégory et Alison.
Cité à l'ordre de la nation, il est nommé
Brigadier de police à titre posthume. Il repose au cimetière de
Quiévrechain (Nord). |
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Alison Fivet n'est âgée que de treize mois quand le drame a lieu :
" Vous comprendrez donc que
je n'ai pas de souvenirs, ceci dit je sais que c'était un homme qui
aimait la vie, qu'il a profité de chaque instant ; il était amoureux de son travail.
Il aimait bien la pêche et il avait beaucoup d'humour. " |
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Le juge Alain Marsaud est nommé pour instruire le dossier contre X aux chefs d'assassinats, tentatives d'assassinats, coups et blessures volontaires
avec armes, vols aggravés, association de malfaiteurs et infraction à la législation sur les armes.
La Brigade de Répression du Banditisme aboutit à l'interpellation de cinq individus au terme d'une minutieuse enquête. 25 Juin 1985, interpellation à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) d'une figure de la pègre toulonnaise : Michel Ghellam, vingt-six ans. Il s'agit du premier maillon de la chaine de l'enquête, relié à la fusillade au moyen d'un pistolet 9mn retrouvé sur la scène de crime, et qui a déjà servi dans un règlement de compte le 16 Mars à Paris.
Les policiers découvrent au domicile de sa maitresse où il est arrêté un véritable arsenal militaire. Il est mis en examen et écroué. Quinze mois plus tard, à la suite d'une erreur d'expertise, les corrélations entre Ghellam et la fusillade sont remises en cause, mais les enquêteurs restent certains d'avoir identifié la bonne équipe. Ghellam reste néanmoins incarcéré, alors confondu dans une affaire d'attaque à main armée avec prise d'otages commis en 1980 à Antibes (Alpes-Maritimes), ainsi que l'homicide commis à Paris le 16 Mars.
Novembre 1986. Daniel Aucouturier, trente-six ans, est interpellé à la sortie d'un café de la Rue Claude Decaen dans le 12ème arrondissement de Paris. Cet ancien légionnaire est inculpé et écroué pour complicité dans la fusillade meurtrière de la Rue Riquet. Il s'agit de l'individu blessé à une jambe au cours des échanges de feu avec les policiers et les convoyeurs de fonds. Une longue et fraiche cicatrice à hauteur de son genou l'a trahi, d'autant qu'il a toujours refusé de donner le nom du médecin ayant pratiqué l'opération.
Ghellam est toujours incarcéré à ce jour. A l'origine d'une évasion de la maison central de Clairvaux en 1992, dans laquelle un surveillant était tué, il est repris l'année suivante et écopait d'une nouvelle condamnation, soit vingt ans de réclusion criminelle. Après une nouvelle tentative en 2003, il est depuis à l'isolement.
Sources et références:
Entretien avec Alison Fivet
Journal officiel du 02/06/1985, page 6125, "Citations à l'ordre de la nation"
Journal télévisé du 30/05/1985 - reportage à 15mn20
Archives Le Monde du 31/05/1985, "A Paris, un fourgon attaqué par des malfaiteurs : un mort, deux blessés"
Archives Le Monde du 01/06/1985, "Deux policiers et un convoyeur tués au cours d'un hold-up"
Archives Le Monde du 03/07/1985, "Arrestation de Michel Ghellam, l'un des auteurs présumés du hold-up [...]"
Archives Le Monde du 25/07/1985, "La guerre des fourgons blindés"
Archives Le Monde du 22/11/1986, "Un ancien légionnaire est écrouté : une cicatrice providentielle"